Innovations foncières

Le dispositif de recherche de JASMINN était bâti sur la comparaison d’études de cas dans trois pays méditerranéens (France, Italie, Algérie). Il a reposé sur des approches qualitatives, principalement des entretiens et de l’analyse documentaire. La montée en généricité s’est appuyée sur l’analyse croisée entre études de cas et la comparaison d’un corpus d’innovations foncières.

Après avoir élaboré un cadre d’analyse original faisant appel au concept de justice, nous avons étudié une série de politiques foncières et d’initiatives locales publiques, privées et collectives, ainsi que des instances de régulation. Nous avons explicité les enjeux locaux de justice formulés par les acteurs et reconstitué des trajectoires d’innovations. En Languedoc-Roussillon, nous avons constitué une base de données de 48 innovations, permettant d’en dresser une typologie et de repérer des facteurs de blocage et des leviers de pour une gestion du foncier agricole plus juste et plus durable, grâce à la méthode QCA (qualitative comparative analysis).

Pour en savoir plus sur les résultats scientifiques : Perrin C., 2020, Repérer et comparer des innovations foncières. Enseignements d’une collection d’initiatives de gestion du foncier agricole périurbain en Languedoc-Roussillon. In Perrin C. et Nougarèdes B.. 2020, Le foncier agricole dans une société urbaine : innovations et enjeux de justice. Cardère, p.31-66.

Au niveau opérationnel, le projet a permis de construire en partenariat avec Terre de Liens la plateforme web collaborative RÉCOLTE qui rassemble des fiches-expériences sur des projets réalisés partout en France contribuant à une gestion plus durable du foncier agricole. Cette plateforme s’appuie sur des résultats de l’ANR JASMINN et notamment un itinéraire méthodologique pour traquer, caractériser et évaluer des innovations concernant la gestion du foncier agricole périurbain.

Dans le cadre de projet JASMINN nous avons recensé des initiatives foncières principalement menées dans les territoires par des communes et des intercommunalités. Ces initiatives peuvent être classées en quatre groupes :

  • Celles qui visent un regroupement de bâti agricole
  • Celles qui s’organisent autour d’un projet d’acquisition publiques ou collectives ayant un objectif d’installation
  • Celles qui s’organisent autour d’un zonage type PPAEN
  • Celles qui visent une animation foncière locale

Quelques initiatives sont ici décrites et illustrées pour chacun de ces groupes. Vous pourrez en savoir plus sur ces initiatives, mais aussi en identifier beaucoup d’autres partout en France en vous rendant sur la plateforme web collaborative RÉCOLTE conçue en partenariat avec Terre de Liens.

Regroupement de bâti agricole

Les hameaux agricoles sont des projets de regroupement de bâtis agricoles dans des zones dédiées. Ils ont été étudiés dans l’Hérault par Brigitte Nougarèdes qui y a consacré sa thèse et à notamment publié un document dans le cadre du projet Gouv-Innov  intitulé : des « hameaux agricoles » pour une gestion durable des territoires : gouvernance et enjeux sociaux

Le hameau agricole de St-Geniès des Mourgues

hameau st géniès

La municipalité a soutenu dans les années 1990 l’aménagement d’un premier regroupement de hangars pour éviter le mitage des terres et protéger les paysages. Quinze ans après, des agriculteurs demandant des logements, elle a réalisé à côté un hameau agricole où les agriculteurs ont pu construire des logements, des hangars et des gîtes sur des parcelles viabilisées par la municipalité, vendues à un prix inférieur au marché. Face aux critiques des habitants non-agriculteurs ayant également des difficultés pour se loger, la municipalité a intégré ce hameau dans un quartier résidentiel associant divers types d’accès au logement, aidés et non aidés. Avec ce quartier, le maire entend favoriser la mixité sociale.

En savoir plus : documents de la commune de St Géniès des Mourgues

Le hameau agricole de St-Thibéry

hameau st thibéryPour éviter la multiplication des hangars dans les espaces agricoles, la municipalité de St Thibéry a réalisé un hameau agricole avec l’appui de la Communauté d’Agglomération Hérault-Méditerranée. Pour accéder à ce hameau, les candidats devaient avoir un statut agricole, s’engager à poursuivre l’activité agricole pendant 15 ans, construire logement et hangar de manière attenante et accepter une cession différée via un bail à construction de 18 ans. L’objectif était ainsi d’éviter les critiques de la part des habitants non-agriculteur, de garantir la destination agricole à long terme et de prendre en compte les contraintes professionnelles et patrimoniales des agriculteurs.

En savoir plus :  documents de l’agglomération Hérault Méditerranée

Acquisition de foncier agricole et regroupement de bâti à St-Dionisy

groupement st dionisyLa Mairie de St Dionisy a acheté en 2008 11 ha de foncier agricole à un agriculteur partant à la retraite. Elle souhaitait favoriser l’installation et a d’abord contacté Terre de Liens. Elle souhaitait aussi aménager un hameau agricole. Mais la DDTM et une partie du conseil municipal étaient réticents. Le regroupement de bâti agricole a donc été repositionné en bordure de village, sur une parcelle d’un hectare acquise par la municipalité, pour construire 600 m² d’ateliers agricoles et un point de vente collectif. Deux porteurs de projets et un espace test d’activité agricole sont actuellement intéressés par ce projet.

En savoir plus :  Documents Mairie de St Dionisy

Le regroupement de bâtiments agricoles à Florensac

groupement florensacA Florensac, un premier regroupement de hangars agricoles a été réalisé dans les années 1990. Dans les années 2000, des logements ont été ajouté, et le regroupement a été rattrapé par l’urbanisation, favorisant les conflits de voisinage. La municipalité a donc soutenu en 2008 un nouveau type de projet. Huit coopérateurs ont formé une Société Civile d’Exploitation Agricole pour construire un regroupement de 8 hangars agricoles sur un domaine acheté par la cave coopérative en 2004 loin du village. L’installation de panneaux photovoltaïques sur les toits a participé au financement. La mairie envisage aujourd’hui d’accompagner l’extension de ce deuxième regroupement.

En savoir plus : un article scientifique a été publié sur ce cas Nougarèdes B. et Soulard C., 2013

La reconversion de la cave coopérative de Castelnau de Guers

cave coop castelneau de guersLa municipalité de Castelnau de Guers souhaite réutiliser l’ancienne cave coopérative. Aidée par la communauté d’agglomération Hérault Méditerranée, elle envisage de la transformer en un espace multifonctionnel (une salle polyvalente à l’étage et 4 hangars agricoles au rez-de-chaussée). Ce projet favoriserait le lien social entre agriculteurs et résidents. Les logements des 4 agriculteurs pourraient être construits sur une parcelle adjacente. Cependant, ce projet n’entrant pas dans les critères de financements existants, il n’a pu aboutir.

En savoir plus : un article scientifique a été publié sur ce cas Nougarèdes B., Soulard C., 2013.

Les projets d’acquisitions publiques ou collectives …

Nous avons identifié une autre forme d’initiative : l’achat par des communes ou des intercommunalités de terrains. Ces acquisitions foncières se distinguent par leur objet, un premier groupe vise l’aide à l’installation d’agriculteurs tandis que la deuxième à un objectif d’aménagement du territoire.

…ayant un objectif d’installation

Développer l’agriculture biologique sur du foncier public : le projet de la Communauté de Communes Pays des Sorgues Monts du Vaucluse

La communauté de communes du Pays des Sorgues Monts du Vaucluse souhaitait valoriser 20 ha en sa possession. En 2008, les élus, de sensibilité écologique, lancent un projet de promotion de l’agriculture biologique, et décident de louer ces terres, si possible à des candidats à l’installation en agriculture biologique. L’intercommunalité poursuit ce projet via l’acquisition de nouvelles terres agricoles préemptées via la SAFER. Elle les loue via des Conventions de Mise à Dispositions de 3 ans reconductibles. Une chartre intitulée « Jardins des Sorgues et Monts du Vaucluse » garantit la mise en place d’une agriculture biologique. En 2015, 61 ha avait été acquis et 4 exploitations avaient été installées. 48 ha sont exploités : 25 ha en agriculture biologique et 23 ha en agriculture conventionnelle.

En savoir plus : document édité par le pays des Sorgues et Monts du Vaucluse et un article scientifique publié sur cette initiative :  Jarrige F., Napoléone C., 2014.

Acquérir du foncier pour installer un maraicher qui fournira les établissements de restauration collective de la ville de Pézenas

pézenas 1La municipalité de Pézenas souhaite installer un maraîcher en agriculture biologique pour renforcer la présence de produits locaux et bio dans la Restauration Hors Domicile (cantine scolaire notamment). En 2014, 14,4ha ont été acquis et un bail a été signé avec l’agriculteur. Un permis de construire lui a été accordé pour un hangar et un logement. Cette installation doit être couplée à la mise en place d’une légumerie, dans les locaux de l’ESAT de Pézenas.

En savoir plus : un article scientifique a été publié sur ce cas Nougarèdes B., Candau J., Salles D., Soulard C., 2014

Reconstitution d’ilots fonciers agricoles sur d’anciennes friches à Perpignan

Perpignan a conduit une politique de lutte contre les friches agricoles dès les années 1990, en promouvant les prêts à usage et commodat. En 2011, l’agglomération reprend cette politique après avoir recensé 7 000 ha de friches sur son territoire. En partenariat avec la SAFER et la chambre d’agriculture, des îlots fonciers ont été identifiés et aménagés, impliquant parfois une maîtrise foncière publique. Entre 2011 et 2016, 74 ha ont été remis en culture grâce à cette politique, permettant l’agrandissement de quatre exploitations et l’installation de deux porteurs de projet en viticulture biologique.

En savoir plus : documents publiés par l’agglomération de Perpignan et un article scientifique décrivant ce cas : Perrin C., Soulard C-T., 2014, « Vers une gouvernance alimentaire locale reliant ville et agriculture. Le cas de Perpignan », Géocarrefour, 89 (1-2), p. 125-134

Acquisition de foncier agricole par la commune de Prades pour développer les circuits courts et l’agriculture biologique

En 2010, afin de développer les circuits courts et l’agriculture biologique, la municipalité de Prades achète un terrain de 1,2 ha. Elle fait appel au CIVAM bio pour trouver un porteur de projet. Ce dernier s’installe en 2012 en signant un bail environnemental de 9 ans. Une charte signée avec la mairie l’oblige à fournir le marché de Prades-le-Lez.

En savoir plus :  documents publiés par le CIVAM 34

… ayant un objectif d’aménagement du territoire

Le Schéma d’Intervention Foncière mis en place par Villeneuve-lès-Maguelone pour lutter contre la cabanisation

villeneuve les magueloneDès 1984, sur la commune de Villeneuve-lès-Maguelone, un Schéma d’Intervention Foncière (SIF) permet de coordonner l’intervention foncière entre le conseil général, le Conservatoire du Littoral et la commune. L’objectif est la préservation, la reconquête et la mise en valeur des espaces naturels sensibles sur le long terme. Dans ce cadre, la commune de Villeneuve-lès-Maguelone a acquis plus 225 ha, notamment des parcelles agricoles cabanisées, pour les remettre à l’état naturel ou agricole.

En savoir plus : document édité par le pôle lagunes

Le Mas Dieu : Mise en place d’un contre-projet agricole

mas dieuPour contrer un projet d’enfouissement de déchets porté par l’agglomération de Montpellier, la société civile et quatre communes se mobilisent et proposent un contre-projet axé sur l’agriculture et l’environnement. Le domaine du Mas Dieu (537 ha) est préempté par la SAFER en 2002, puis racheté par les communes de Montarnaud, Murviel-lès-Montpellier, Saint-Paul-et-Valmalle, Saint-Georges-d’Orques et par le Conseil Général. Le pastoralisme est mis en place sur les 242ha du conseil général, une bergerie a été construite ainsi que des installations en oléiculture et en viticulture. Le site a vocation culturelle, économique et paysagère.

En savoir plus : un article scientifique a été publié sur cette initiative voir Alinat S., Carrie C., 2003.

Le Mas Nouguier : L’Agriparc de la ville de Montpellier

mas nouguierSur un périmètre de ZAC, la ville de Montpellier a mis en place un Agriparc sur un ancien domaine viticole de 18 ha. En conservant la vocation agricole d’une partie des terres, l’objectif est de maintenir une dimension productive tout en valorisant les fonctions sociales, environnementales et patrimoniales du site. Le Mas Nouguier accueille aujourd’hui quelques oliviers, des vignes entretenues par l’ESAT (Etablissement et Service d’Aide par le Travail) des compagnons de Maguelone ainsi que des prairies fleuries et des jardins potagers collectifs. Des animations avec les écoles voisines sont organisées. Cet espace s’inscrit dans la stratégie de développement durable de la ville de Montpellier.

En savoir plus :  document de la ville de Montpellier

Le Domaine de Viviers : L’Agriparc de Montpellier Méditerranée Métropole

domaine du viviersLa métropole de Montpellier a acquis un domaine agricole de 200 ha en 2010. Elle a loué environ 110 ha de terres à des agriculteurs : viticulteurs, céréaliers, maraîchers, oléiculteurs, horticulteurs. Le site accueille également la coopérative TerraCoopa (10 ha), qui accompagne des porteurs de projets agricoles, notamment en maraichage biologique. Le Domaine de Viviers montre ainsi une cohabitation entre différentes formes d’agricultures et entre agriculture et espaces naturels en périurbain.

En savoir plus : document de la métropole de Montpellier  et article scientifique publié sur cette initiative publié par Perrin C., 2015

Les zonages

Une autre catégorie d’initiatives repose sur la définition de zonages de protection pour les terres agricoles et en particulier les Périmètre de Protection et de mise en valeur de espaces Agricoles et Naturels périurbains : les PPAEN. Ces périmètres ont été créés par la Loi relative au développement des territoires ruraux (Loi DTR n° 2005-157 du 23 février 2005).

Le PPAEN de Canohès et Pollestre

PPAEN Canohès et pollestreLes municipalités de Canohès et Pollestre, situées dans l’agglomération de Perpignan, souhaitent protéger un espace proche du village où les friches sont nombreuses en raison de la déprise agricole et de la forte pression urbaine. Un périmètre de protection des espaces agricoles et naturels périurbains (PPAEN) est mis en place fin 2011 sur 281 ha, c’est le premier de France. Ce périmètre de protection s’impose aux documents d’urbanisme, est pérenne et débouche sur un programme d’action. Il vise, dans le cas de Canbohès et Pollestre, à réhabiliter l’agriculture et la gestion hydraulique, tout en développant l’usage récréatif et social de l’espace.

En savoir plus : document édité par la commune de Canohès

Le PPAEN des Verdisses

PPAEN des verdissesLe Conseil Général de l’Hérault et la Communauté d’Agglomération Hérault Méditerranée ont travaillé ensemble à la mise en place d’un PPAEN approuvé en 2013. Il couvre 600 ha proches du littoral, sur un territoire soumis à de fortes pressions : inondation, cabanisation, déprise agricole. Un plan d’action foncière doit répartir les périmètres d’intervention des rôles des partenaires en ce qui concerne l’acquisition et la décabanisation. Le plan d’action vise à redynamiser l’agriculture et à mettre en place des aménagements récréatifs.

En savoir plus : http://www.ville-agde.fr/la-mairie/urbanisme/paen-des-verdisses

Les projets d’animation foncière

Enfin, une dernière catégorie d’initiative regroupe les formes d’animations foncières réalisées dans les territoires à l’initiative de collectivités territoriales ou de cave coopératives afin de faciliter les échanges de foncier agricole.

Acquisitions foncières en lien avec la cave coopérative de Villesèquelande

La cave coopérative de Villesèquelande, confrontée au vieillissement de ses adhérents, a mis en place une société par action simplifiée (SAS) afin d’assurer le remplacement des viticulteurs partant à la retraite et de garantir sa zone d’apport. La SAS achète du foncier et le loue aux viticulteurs qui deviennent adhérents de la SAS. Le foncier reste ainsi lié à la cave coopérative et les jeunes viticulteurs peuvent consolider leurs exploitations. 92 ha ont ainsi été achetés par la société entre 2012 et 2016.

En savoir plus : document édité par le site la voie romaine

Une animation foncière pour réintroduire le pastoralisme

pastoralisme CAHMLa Communauté d’Agglomération Hérault Méditerranée a souhaité réintroduire du pastoralisme afin de diversifier l’agriculture et d’entretenir les paysages de Castelnau de Guers, Florensac et Montagnac. Une animation a été lancée pour trouver des propriétaires qui souhaiteraient mettre du foncier à disposition. Environ 200 ha ont ainsi été mobilisés et trois candidats à l’installation en élevage identifiés. Une fois le candidat sélectionné, un bâtiment sera construit par la CAHM en fonction de ses besoins. L’installation est prévue pour le second semestre de 2017.

En savoir plus : document édité par l’agglomération Hérault Méditerranée

La bergerie communale de Montpeyroux

montpeyrouxEn 2005, un éleveur s’installe sur des parcelles communales à Montpeyroux, entretenant ainsi l’ouverture des garrigues contre le risque d’incendie. En 2013, la mairie lui construit une bergerie. L’éleveur dispose d’un bail de 25 ans et le projet devient un dispositif OCAGER.

En savoir plus :  document édité par la communauté de communes de la vallée de l’Hérault et mémoire de Master 2 AgriParisTech réalisé en 2013 sur ce sujet :  S. Raoul, 2013, Planification urbaine et développement agricole durable : analyse comparée d’initiatives locales en périphérie urbaine de Montpellier.