les auteurs explorent le mécanisme non-autonome contrôlant l’ouverture des stomates

Manuel Nieves-Cordones, Biochimie et Physiologie Moléculaire des Plantes, UMR BPMP, Univ Montpellier, CNRS, INRAE, Montpellier SupAgro, Montpellier 34060, France. Present address: Departamento de Nutrición Vegetal, CEBAS-CSIC, Campus de Espinardo, 30100 Murcia, Spain

Hervé Sentenac, Biochimie et Physiologie Moléculaire des Plantes, UMR BPMP, Univ Montpellier, CNRS, INRAE, Montpellier SupAgro, Montpellier 34060, France

Contexte et enjeux. La surface des feuilles est recouverte d’un enduit cireux très peu perméable aux gaz, qui empêche une perte directe de vapeur d’eau par les tissus foliaires et la dessication de la plante. Cependant, cette barrière aux échanges gazeux empêche aussi la diffusion de CO2 depuis l’air ambiant vers l’intérieur de la feuille et les tissus photosynthétiques. Pour permettre cette diffusion, des micro-pores, appelés stomates, sont présents à la surface de la feuille. Ces pores permettent au CO2 atmosphérique de pénétrer dans la feuille mais représentent aussi la voie principale à l’origine de la perte d’eau foliaire. La plante contrôle le niveau d’ouverture de ces pores afin de gérer la contradiction qu’elle a entre la nécessité de s’ouvrir sur l’extérieur pour faciliter l’entrée de CO2 et celle de s’en s’isoler  pour éviter une perte d’eau excessive. Les stomates sont entourés de deux cellules osmocontractiles, appelées cellules de garde, dont les changements de turgescence permettent d’élargir ou rétrécir le pore stomatique. A ce jour, le modèle moléculaire implicite était que les cellules de garde se comportaient de façon autonome pour ajuster leur pression de turgescence et réguler l’ouverture des stomates.

Question: Les cellules épidermiques entourant les cellules de garde, appelées cellules de pavement, forment un obstacle anatomique qui limite le mouvement des cellules de garde. Leur turgescence exerce une contre-pression sur les cellules de garde qui s’oppose à l’ouverture du stomate. Les mécanismes moléculaires qui sous-tendent ce contrôle non autonome de l’ouverture des stomates par les cellules de garde sont mal connus..

Résultats. Les auteurs montrent, au niveau moléculaire, que les cellules dites « de pavement » qui entourent les cellules de garde à la surface des feuilles participent directement au contrôle de l’ouverture des stomates via leur propre pression de turgescence, qui leur permet d’exercer une contre-pression sur les cellules de garde. Les résultats indiquent que la turgescence des cellules de pavement dépend de leur concentration en ions K+, qui dépend elle-même de l’activité d’un gène codant une sous-unité régulatrice des protéines de transport de K+ appelées canaux potassiques Shaker. La perte de ce gène AtKC1, augmente la sensibilité du potentiel électrique de la membrane des cellules de pavement à K+, révélant une altération du contrôle des propriétés de transport membranaire des ions K+, qui provoque une augmentation de l’ouverture stomatique et ainsi de la perte d’eau par transpiration foliaire. Les auteurs ont ensuite eu la surprise d’observer que pour restaurer un contrôle normal de l’ouverture stomatique chez la plante mutante ayant perdu ce gène, il fallait transformer cette plante pour qu’elle exprime ce gène non seulement dans les cellules de pavement mais aussi dans un autre type de cellule, les trichomes, qui forment des poils microscopiques à la surface des feuilles. Dans leur ensemble, ces résultats apportent la preuve, au niveau moléculaire, que les cellules de garde ne contrôlent pas l’ouverture des stomates de façon strictement autonome, mais que ce contrôle implique l’épiderme foliaire dans son ensemble, via des phénomènes de pression et contre-pression dépendant des capacités de transport et d’accumulation de K+ au sein de l’épiderme.

Perspectives et valorisation : il conviendra d’étudier dans quelle mesure  ces résultats, obtenus chez la plante modèle Arabidopsis, sont transposables chez les plantes de grande culture. Face au changement climatique, la compréhension des mécanismes que les plantes mettent en œuvre pour contrôler leur équilibre hydrique et éviter la dessication est un objectif majeur.

Manuel Nieves-Cordones, Farrukh Azeem, Yuchen Long, Martin Boeglin, Geoffrey Duby, Karine Mouline, Eric Hosy, Alain Vavasseur, Isabelle Chérel, Thierry Simonneau, Frédéric Gaymard, Jeffrey Leung, Isabelle Gaillard, Jean-Baptiste Thibaud, Anne-Aliénor Véry, Arezki Boudaoud and Hervé Sentenac. (2022). Non-autonomous stomatal control by pavement cell turgor via the K+ channel subunit AtKC1. Plant Cell. https://doi.org/10.1093/plcell/koac038